Quand le français gouverne le vocabulaire des relations internationales

Deep state, game changer, snapback... Si l’anglais est la langue de prédilection des relations diplomatiques et de la politique internationale, disposer des concepts pour aborder ces questions en français n’en demeure pas moins nécessaire : c’est pourquoi les experts des affaires étrangères de la Commission d’enrichissement de la langue française ont élaboré de nouveaux termes, parus au Journal officiel du 1er juillet 2022.

Une première série de termes concerne les relations internationales à proprement parler. Ainsi, une gouvernance qui associe diverses parties prenantes sera appelée gouvernance multipartite ou gouvernance multiacteur (multistakeholderism). Les échanges et la coopération avec d’autres pays peuvent se dérouler dans un contexte dit d’autonomie stratégique ouverte (open strategic autonomy), un concept apparu au sein de l’Union européenne. Les experts ont par ailleurs repris l’étude de l’anglicisme snapback qui se dit désormais clause de rétroaction, laquelle s’applique dans les situations où une des parties ne respecte pas ses engagements. Et pour faire référence à l’érosion de la puissance et de l’influence de l’Occident, thème traité par la Conférence de Munich sur la Sécurité en 2020, les experts ont opté pour le terme désoccidentalisation (westlessness en anglais), qui peut correspondre à une situation constatée comme à un processus en cours.

D’autres termes se rapportent davantage à des notions de politique intérieure. Afin de nommer un régime accordant la priorité à l’écologie, la Commission propose le terme démocratie écologiste (ecocentric democracy, ecodemocracy), où l’adjectif souligne une politique volontariste. L’on peut également parler de démocratie écocentrée. Pour traduire deep state, la Commission entérine le terme État profond, déjà en usage, ainsi que son synonyme État souterrain, qui évoque bien une tentative de peser discrètement sur la politique d’un gouvernement. Sur un versant plus économique, deux termes sont proposés comme équivalents à des néologismes nés en Amérique latine : l’extractivisme (extractivismo en espagnol, extrativismo en portugais) ainsi que sa mise en œuvre dans une perspective sociale, le néoextractivisme (neo-extractivismo, neo-extrativismo).

Enfin, signalons un terme qui concerne bien d’autres domaines que les seules relations internationales : il s’agit de tournant décisif, à utiliser à la place de game changer.

 

Pour parfaire votre connaissance de cette nouvelle liste, qui se veut un tournant décisif dans la terminologie des relations internationales, découvrez deux derniers termes : pouvoir de manipulation et transnationalisme.