1. Isabelle Jarry, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre rôle au sein du dispositif d’enrichissement de la langue française (DELF) ?
Je suis romancière, c’est peu de dire que la langue française m’importe et que comptent pour moi sa vivacité et sa richesse. Faire partie du dispositif d’enrichissement, c’est précisément contribuer à son expansion et à son adaptation aux lexiques de son temps. Nous étudions une fois par mois, dans des registres aussi variés que ceux du droit, de l’économie, du spatial, du sport, de la culture, du numérique, de la biologie, de la mode… une série de termes (le plus souvent anglosaxons) qui nécessitent un équivalent en français. Avec l’aide d’experts et sous le regard acéré des lexicographes de l’Académie française, nous en créons l’entrée (le mot que vous allez chercher dans le dictionnaire) et nous en élaborons la définition. Ce qui me tient à cœur personnellement, c’est que cette dernière soit à la fois accessible au plus grand nombre, aussi claire et compréhensible que possible.
2. Qu’appréciez-vous particulièrement dans le DELF (dans son fonctionnement, sa composition…) ?
Ce que j’apprécie le plus, c’est la variété des sujets et des lexiques qui nous sont soumis ainsi que la quantité de connaissances qu’il nous est donné d’acquérir, dans des domaines très variés. Me plaît aussi la collégialité du travail et la manière, souvent joyeuse, dont chacun apporte sa propre perception d’une langue qui, pour être innovante, s’applique à respecter une forme classique. Cet héritage de la belle langue est quelque chose de très présent dans la commission. Dans mon récent essai sur Orwell*, j’évoque Syme, le personnage de 1984 qui travaille au service du dictionnaire à détruire les mots et à réduire la langue. Le dispositif d’enrichissement fait exactement l’inverse, et c’est extrêmement réjouissant. Quand on est écrivain, que peut-on rêver de mieux ?
3. En tant qu’enseignante, quelle utilité trouvez-vous au dispositif ?
À Sciences Po où je conduis deux ateliers artistiques en littérature, je demande à mes étudiants, dans les textes de fiction qu’ils composent, de soigner leur langue et d’en explorer toutes les facettes sémantiques. Être au contact des jeunes me fait prendre conscience de leur attachement à la langue française, mais aussi du besoin qu’ils expriment d’y intégrer des mots neufs, désignant de nouvelles pratiques, et qui parlent de la société en marche. À mes yeux, le dispositif est un cadre officiel, rigoureux mais créatif, dans lequel la langue évolue et grandit, comme eux.
* « Ma vie avec George Orwell », paru en octobre 2025 aux éditions Gallimard.

