La Commission d’enrichissement de la langue française vient de publier au Journal officiel plusieurs termes qui désignent des notions nouvelles dans le domaine des relations internationales. En employant ces termes et expressions français, et en ayant recours aux définitions claires et précises qui les accompagnent, les responsables de l’administration, les traducteurs, les enseignants, les médias permettent au public le plus large de mieux appréhender des innovations souvent complexes qui restent floues lorsqu’elles ne reçoivent pas d’équivalents français.
« Revenant de Syrie », « revenant d’Afghanistan », « revenant d’Irak », « revenant du djihad » : on recourt à des périphrases alors que la langue anglaise dispose d’un terme court returnee.Pour désigner un citoyen qui revient dans son pays d’origine après avoir combattu dans les rangs d’une organisation terroriste à l’étranger, on dispose désormais d’un terme français aussi court : « revenant, -e ». Abondamment repris dans la presse écrite et audiovisuelle, depuis novembre 2016, à la suite de la parution aux éditions du Seuil de l’ouvrage de Daniel Thomson intitulé Les Revenants : ils étaient partis faire le djihad, ils sont de retour en France ; il appartenait déjà au lexique – on parle sans ambiguïté des revenants de la Grande Guerre, des revenants des camps de la mort, de la guerre du Vietnam.
Les images de Barack Obama entouré des hauts gradés de l’armée et des services secrets américains suivant en direct l’assaut contre Oussama Ben Laden ont fait pénétrer les téléspectateurs du monde entier dans la situation room de la Maison Blanche. En français, on parle de « centre opérationnel stratégique » pour désigner ce type de structure permanente destinée à faire face aux situations de crise ou de conflit, et à laquelle aboutissent les informations utiles à la prise de décision, et par extension, le lieu où est installée cette structure. En revanche, on parle de « cellule de crise » lorsqu’il s’agit d’une structure temporaire ; l’équivalent anglais war room faisant référence à la War Room d’où Winston Churchill commandait les opérations de l’armée anglaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
En réaction à certains reportages dramatiques, par exemple sur la guerre en Syrie ou sur des catastrophes naturelles (tremblements de terre, cyclones…), on constate un état de « saturation compassionnelle » : un épuisement de la capacité de compassion de l’opinion publique lorsqu’elle est sollicitée de façon excessive. L’expression compassion fatigue utilisée en anglais ne peut pas être traduite littéralement, car en français le mot fatigue a un sens plus restreint et désigne plutôt une sensation désagréable qui rend difficiles les efforts physiques ou intellectuels.
Pour désigner l’ensemble des membres des délégations officielles assis en retrait et ne prenant pas place autour de la table de négociation, on parle de « banc arrière » (anglais back bench). Ici aussi on évitera la traduction littérale arrière-ban ou banquette arrière…
Dans un contexte économique où les partisans de la relance économique s’opposent aux tenants de l’austérité, on dispose désormais d’un équivalent français au néologisme austerian créé par l'économiste américain Paul Krugman : on parle de « rigoriste » pour désigner le partisan d’une politique de rigueur, voire d’austérité, en réponse à un déséquilibre économique ou budgétaire.
Calquées sur l’expression anglaise green washing – dont l’équivalent retenu par la Commission d’enrichissement en 2013 est « verdissement d’image » –, les expressions blue washing et empathy washing désignent la stratégie de communication d’entreprises ou d’organisations qui cherchent à améliorer leur image de marque en se réclamant abusivement de valeurs promues par l’Organisation des Nations unies, ou de valeurs humanitaires. En français on dira respectivement « habillage onusien » et « habillage humanitaire ».
Enfin, dans un système de sécurité où la perspective d’une guerre majeure, impliquant deux blocs opposés, demeure improbable, l’expression « paix froide », ou « paix glacée », ajoute une nouvelle nuance à « guerre froide » et « guerre tiède » sur le thermomètre des relations géostratégiques.
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