1. Marianne Doury, qui êtes-vous et quel est votre rôle au sein du dispositif d’enrichissement de la langue française (DELF) ?
Je suis linguiste de formation et professeure en Sciences du langage à Université Paris Cité. Mon domaine de spécialité est l’argumentation : je m’intéresse à la façon dont les gens s’y prennent lorsqu’ils doivent exprimer et tenir une position sur une question sur laquelle il n’y a pas de consensus. J’ai été proposée début 2024 par la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la recherche pour faire partie des 12 membres qualifiés qui siègent à la Commission d’Enrichissement de la Langue Française. Les attentes de la commission à mon égard, telles que je les ai comprises, sont « généralistes » : les membres qualifiés interviennent non en tant qu’experts des domaines dont relèvent les termes en discussion, non plus en tant que garants du cadrage et de la mémoire de la commission, mais comme commentateurs « tout terrain » proposant un regard extérieur, hors thématique et hors institution, sur les termes dont il s’agit de fixer la forme et la définition.
2. Vous avez intégré le dispositif d’enrichissement récemment, quelles étaient vos attentes ?
J’avoue avoir intégré le dispositif sans aucune attente particulière, dans la mesure où je ne connaissais pas du tout son fonctionnement, ses objectifs – ni même, oserai-je le dire, son existence. Lorsqu’il m’a été proposé d’en faire partie, je me suis assurée d’abord que ce ne serait pas trop chronophage, ensuite que je pourrais m’en retirer si je m’y sentais inutile ou malvenue.
3. Que vous apporte le dispositif, à titre personnel ou professionnel ?
Je prends en fait un plaisir immense à participer aux réunions de la Commission. Une institution qui ménage des espaces de parole conséquents afin de discuter de la place d’une préposition, des nuances sémantiques d’une formule, du choix d’une ponctuation, ne peut que susciter la tendresse de la linguiste que je suis. Ces attentions aux détails ne sont pas ridicules : chaque choix engage un enjeu – sémantique, technique, scientifique, juridique, esthétique – d’ampleur variable. Enfin, je dois avouer qu’en tant que spécialiste de l’argumentation et des interactions verbales, chaque session de la commission fait naître en moi une forme de frustration : c’est un petit théâtre où se jouent des rapports de pouvoir à travers des rituels de politesse, des négociations d’opinion, des retournements de situation qui mériteraient qu’on y applique les méthodologies et catégories d’analyse dont je suis familière afin d’en tirer une belle publication académique - ce que ma position de participante m’interdit.