André Vésale (1514-1564), « prince des anatomistes »

Bien des raisons ont fait de l'anatomiste André Vésale (1514-1564) un sujet pour l'imagination.Tout d'abord il fut un prodige de la science. L'essentiel de son œuvre a été produit en l'espace de neuf années. Et c'est à l'âge de 28 ans seulement qu'il publie son ouvrage principal, La Fabrique du corps humain (De humani corporis Fabrica), publié en 1543, la même année que le grand livre de Copernic, Des Révolutions des orbes célestes. La coïncidence a souvent frappé : Copernic révolutionna on le sait la conception du cosmos ; Vésale inventa le corps humain moderne.La Fabrique du corps humain, c'est aussi l'un des plus grands livres d'images de la Renaissance. Il comporte plusieurs centaines de bois gravés, qui vont du minuscule détail anatomique à la représentation du corps en pied. Vésale a fait appel à un grand artiste, probablement Jan Stefan von Calcar, qui sut à la fois rendre la rigueur de l'analyse anatomique et créer un modèle iconographique qui a hanté longtemps les dessinateurs d'anatomie. Baudelaire, plus tard, y fut sensible :Le Squelette laboureurDans les planches d'anatomieQui traînent sur ces quais poudreuxOù maint livre cadavéreuxDort comme une antique momie,Dessins auxquels la gravitéEt le savoir d'un vieil artiste,Bien que le sujet en soit triste,Ont communiqué la Beauté,On voit, ce qui rend plus complètesCes mystérieuses horreurs,Bêchant comme des laboureurs,Des Ecorchés et des Squelettes.Les fleurs du malEt puis, il y a l'audace profonde de Vésale. Jusqu'à lui, le maître d'anatomie faisait effectuer le travail de dissection par un aide, tandis qu’il guidait et commentait ce travail en s'appuyant sur les autorités en la matière, et particulièrement sur Galien (129-210). Vésale descendit à la table de dissection, se saisit du scalpel, et lut, non plus le livre, mais la leçon du cadavre lui-même.Sa mort (au retour d'un voyage en Terre sainte qui a donné lieu à de nombreuses interprétations hasardeuses) a aussi fait rêver et fantasmer.Aussi Vésale a-t-il fasciné, à juste titre, et notamment au XIXe siècle: toute une imagerie romantique, qui peut faire sourire, se plaît à le représenter, soit dépendant un cadavre du gibet, soit disséquant seul dans une mansarde, soit, jeune et beau conquérant, tel d'ailleurs qu'il s'est fait représenter lui-même dans son ouvrage - le front haut, le regard pénétrant, la barbe fière - , soit encore interrogé par l’InquisitionLe Moteur Collections permet de découvrir l'iconographie créée par Vésale lui-même dans ses livres, aussi bien que certaines des images qu'il a suscitées dans les siècles suivants.La Bibliothèque interuniversitaire de santé, qui a récemment intégré au Moteur Collections trois de ses bases de données (sa bibliothèque numérique Medic@, sa Banque d’images et de portraits, et les sommaires de la revue Histoire des sciences médicales) propose nombre de ces images. Elle est également en train de publier en ligne la première traduction de la Fabrique de Vésale en français.Sur la Toile:La Fabrique de Vésale et autres textes. Éditions, transcriptions et traductions par Jacqueline Vons et Stéphane VelutDossier Vésale dans la bibliothèque numérique Medic@