Vous avez dit peluche ? La définition du mot « peluche » prend ses sources dans la matière : « sorte de velours à longs poils » et dans le monde du jouet : l’animal en peluche. Le département des jouets du musée des Arts décoratifs conserve plus de 900 animaux en peluche, des premiers ours (1905) aux hamsters interactifs Zhu Zhu Pets (2008), en passant par les figures de l’enfance que sont Félix le chat (vers 1920), Babar (1932) et les Bisounours (années 1980) et par les monstres Uglydolls (2004). Cette collection offre ainsi une histoire de l’animal en peluche depuis plus d’un siècle, incarné à la fois dans des bêtes sauvages, domestiques ou de compagnie mais aussi dans les héros issus de la bande dessinée, du cinéma et de la télévision. Cette sélection révèle aussi une industrie du jouet qui regroupe des dizaines de fabricants européens et américains (Steiff, Pintel, Sigikid, North American Bear Company…), en permanence à la recherche de nouvelles matières (fourrure, mohair, tissu, matières synthétiques…) et de technologies (mécanisme à horlogerie, à piles, interactivité). L’exposition Histoires d’ours présentée au musée des Arts décoratifs en 1994 rassemblait des centaines d’ours en peluche. Des jouets et des hommes, présentée dans les Galeries nationales du Grand Palais en 2011-2012, rassemblait également une cinquantaine d’animaux en peluche répartis dans des thématiques différentes (le jouet et l’animal, la mécanique, les héros). On découvre aussi dans cette sélection de plus de 500 objets des œuvres iconographiques (photographies, peintures, documents d’archives de fabricants) autour de l’animal en peluche qui sont conservées dans d’autres institutions françaises telles que la BnF, le musée de l’Armée, le Mucem…Une des figures incontournables de l’enfance est le célèbre ours en peluche. Mais avant d’être un doudou, l’ours incarnait un animal sauvage et féroce. Muselé, tenu en laisse, dompté par son maître, il devint à la fin du XIXe siècle une attraction dans les foires. C’est au début du XXe siècle qu’apparut l’ours en peluche, fort dès l’origine d’une double paternité. La première est américaine : en novembre 1902 parut dans le Washington Post une illustration du célèbre dessinateur Clifford K.Berryman mettant en scène le président Théodore Roosevelt refusant de tuer un ourson lors d’une chasse dans le Mississipi. Morris Michtom s’inspira de l’incident pour créer un ours en peluche qu’il baptisa « Teddy’s Bear » en hommage au président surnommé Teddy. Son succès lui permit d’ouvrir la première fabrique d’ours des États-Unis, Ideal Novelty and Toy Co, qui, dès 1907, produisit des ours à grande échelle. La deuxième paternité est allemande : vers 1900, Richard Steiff dessina un ours inspiré de ceux qu’il observait au zoo de Stuttgart pour la fabrique de jouets de sa tante, Margarette Steiff. En 1903, le premier ours Steiff, Bar55PP, était exposé à la Foire des jouets de Liepzig et connut un grand succès. Steiff fit breveter sa marque de fabrique, le bouton de métal dans l’oreille, et, dès 1907, les ours Steiff, qui se vendirent à près d’un million d’exemplaires, prirent le nom de « Teddy ». L’ours en peluche devient alors un petit être humanisé que l’on habille – souvent en costume de marin – et avec qui l’enfant est mis en scène dans des studios de photographes et par des photographes (François Kollar, Philippe Fixr). Il se retrouve aussi dans des scènes de famille, de Noël ou de jeux chez certains peintres (Pierre Jean Poitevin). Plus récemment, quelques artistes voient même des personnages de leur peinture reproduits en jouet (Kaikai, Kiki et Mr DOB de T. Murakami).Ce petit être en peluche devient un sujet d’étude pour la psychanalyse. Au début des années 1950, l’Anglais Donald Winnicott parle d’objets transitionnels pour signifier ces jouets que l’enfant trimbale, triture, dorlote, aime, hait, et qui sont des reflets de son évolution, de tout un espace sur lequel il projette ses sentiments. C’est le fameux « doudou ». Rembourré de kapok au début du XXe siècle, de plus en plus doux et léger, il s’incarne dans un bestiaire très varié, reflet des animaux qui peuplent notre planète. La fabrication de peluches à l’effigie de la littérature enfantine, de la bande dessinée, de séries télévisées et cinématographiques, va également donner naissance à de nouvelles figures héroïques (Mickey, Paddington, Winnie l’ourson, le Marsupilami, la panthère rose, Barbadure …) À l’âge adulte, ces jouets peuvent devenir des mascottes. Certains héros – aventuriers ou soldats – ont emporté avec eux des peluches qu’ils ont photographiées (la mascotte, musée de l’Armée ; la manchot en peluche, mascotte de l'aviateur français Célestin Adolphe Pégoud) et qu’ils ont ensuite données à des institutions afin de les conserver et d’en garder une trace. La peluche peut aussi devenir un cadeau offert d’un pays à un autre pour célébrer un événement politique (le petit lion en peluche offert par les Anglais au général Koenig après la bataille de Bir-Hakeim) ou pour célébrer une artiste (la Neue Berliner Illustrierte offre à Marlene Dietrich un ours de Berlin). Enfin, elle fait aussi l’objet de collections dont certains modèles sont aujourd’hui très recherchés. En 2004, la cinéaste Agnès Varda, dans son film documentaire Ydessa, les ours et etc…, propose une visite de l’exposition de l’artiste Ydessa Hendeles intitulée The living and the Artificial. Ce projet réunissait des milliers de photographies d’enfants et d’adultes en compagnie d’un ou de plusieurs ours en peluche. Qu’y a t-il derrière ces photos d’ours ? Tout le XXe siècle et l’histoire de la vie.